Couverture du n° 82 de L'Atelier du RomanL'Atelier du Roman n° 82

Döblin, notre contemporain

Ouverture

Il faut d’abord rendre hommage à Günter Grass: il fut le premier à tirer de l’oubli Alfred Döblin. Le jour de sa mort, je me suis dit que nous étions maintenant un peu plus démunis. Un de ces grands esprits qui créaient encore en dialogue avec le passé quittait la scène.

Si on peut parler d’un grand romancier étranger du xxe siècle dont l’ensemble de l’œuvre reste encore très mal connu en France, ce ne pourrait être qu’Alfred Döblin (1878-1957). Juif né en Allemagne, exilé en France (dont il obtient la nationalité) en 1933 et, puis, en 1940, parti aux États-Unis, converti au catholicisme en 1941, revenu en France puis en Allemagne après la guerre, Döblin incarne à lui seul, tant par sa biographie que par son œuvre, les bouleversements historiques et sociaux qui ont façonné le visage de son époque et dont les conséquences continuent à peser de manière dramatique sur le monde actuel.

Cette année est le 80e anniversaire de la naissance de Danilo Kis (mort en 1989). Nous lui avons consacré le 8e numéro de L’Atelier du roman (automne 1996).
Depuis, nous sommes à maintes reprises revenus sur son œuvre. Nous y revenons aujourd’hui grâce à Pascale Delpech. Et nous y reviendrons dans l’avenir car Kis fait partie de notre fonds esthétique.

Une fois la fièvre médiatique retombée, le temps est venu de parler du dernier roman d’Houellebecq (Emmanuel Dubois de Prisque).

Rappel: avec les articles que nous consacrons à Döblin nous n’avons pas l’intention d’épuiser, comme on dit, le sujet. Comme toujours, nos choix ne sont pas dictés par les nécessités de la «recherche» mais par celles du plaisir.

À l’occasion de la 35e édition du Salon du livre, Paris devient, durant trois jours, la plus grande scène littéraire d’Europe. Le public va pouvoir approcher ses écrivains préférés et découvrir ceux du Brésil. Ce pays, invité d’honneur, est représenté par une délégation de quarante-huit auteurs. Parmi eux, Paulo Coelho, l’un des romanciers les plus lus dans le monde (à qui l’on doit «L’Alchimiste», vendu à plus de 60 millions d’exemplaires!), et Daniel Munduruku, docteur en sciences de l’éducation et en littérature, «écrivain indigène» qui a déjà quarante-cinq livres à son actif. Dimanche, les lauréats des prix littéraires 2015, ainsi que des mangakas venus du Japon, seront reçus sur une scène spéciale. Et pour les parents accompagnés de leurs bambins, un «Square jeunesse» propose des animations et des rencontres avec des stars de la littérature qui leur est destinée.
C. H., Pariscope, 18-24 mars 2015.

À la lecture de ces lignes, annoncées d’ailleurs par un titre tout à fait approprié («Carnaval du livre»), je me suis souvenu du dessin prophétique de Sempé (p. 165), déjà paru mais la répétition ne fait pas de mal. Merci, Jean-Jacques !

C’est Alfred Döblin qui a attiré vers lui Roger Vailland (Alain Paucard), Evelyn Waugh (Trevor Cribben Merrill) et Lucien Rebatet (Romain Debluë). Afin de ne pas être seul dans le chaudron de l’Histoire.

La liberté d’expression est une chose. L’expression de la liberté en est une autre tout à fait différente. On s’en rendra compte à la lecture des pages sur Rousseau (Jean-Philippe Domecq), sur Calvino et Celati (Massimo Rizzante), sur notre avenir (Nikos Mavridis) et sur la vie tout court (Mathieu Diguet).

Vu les vagues de violence qui secouent nos sociétés, on aurait pu s’attendre à ce que Döblin soit beaucoup plus lu et connu. Évidemment, il n’en est rien. Parce que le dernier souci de notre monde est de mener une réflexion sur l’état où il est. Il lui suffit de produire la violence, de la consommer et de fabriquer en série des indignés, alias des intellectuels qui la condamnent.

Ce n’est pas un hasard si Kis côtoie ici Döblin. Les grands oubliés du siècle passé s’associent et contre-attaquent.

On nous a dit que pour réussir de nos jours il faut, primo, «se tourner vers l’image»… merci Mikaël Blanc. Secundo, «avoir l’esprit ouvert vers l’extérieur». Ce que nous faisons grâce aux chroniques d’Yves Lepesqueur et de Boniface Mongo-Mboussa. Et, tertio, «avoir l’esprit de l’entreprise». Ce que nous faisons également grâce à Olivier Maulin. Pour commencer…
L. P

 

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Sommaire

ouverture

À la Une : Olivier Maulin

Döblin, notre contemporain
Jean Levi, La violence et l’histoire
Bernard Banoun, De l’Himalaya à Berlin
Eryck de Rubercy, La vision épique de Wang Lun
Denis Wetterwald, L’art de s’abandonner à ses enchantements intérieurs – Hamlet ou La longue nuit prend fin
Éric Naulleau, Place Centrale – Döblin et Fassbinder
Marie-Laure Wagner, Un grand seigneur du roman
Frédéric Weinmann, Fuir une mort inévitable – À la recherche du pays-où-l’on-ne-meurt-pas
David Collin, Le roman comme moyen d’émancipation
Dominique Dussidour, Chassés-croisés entre le roman et l’Histoire
Lakis Proguidis, Guerre et psyché – Hamlet ou La longue nuit prend fin

Dates et œuvres

À la Une :
Yves Lepesqueur

Critiques
Trevor Cribben Merrill, Le rire charitable d’Evelyn Waugh
Romain Debluë, Lucien Rebatet : splendeurs et misères de la condition humaine
Emmanuel Dubois de Prisque, Mensonge islamique et vérité romanesque – À propos de Soumission, de Michel Houellebecq
Jean-Philippe Domecq, Rousseau et la jouissance d’avoir raison seul
Alain Paucard, Roger Vailland (1907-1965), demi-solde

À la Une :
Boniface Mongo-Mboussa

Les Cahiers de l’Atelier
Danilo Kiˇs, Une petite nouvelle sur le Monténégro
Mathieu Diguet, Le grenier
Nikos Mavridis, Et vogue le navire

Au fil des lectures
Massimo Rizzante, Le géographe et le voyageur en visite aux ruines de l’Histoire

 

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