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L'Atelier du Roman n° 89

Liberté – quel intérêt ?

L’aventure continue. La IIIe Rencontre de Thélème a eu lieu à l’abbaye de Seuilly (Touraine) le mois d’octobre dernier. Je tiens à remercier l’association Autour de Babel et son président, Jean-Marie Laclavetine, la Région Centre et la Commune de Seuilly.

Le numéro consacré à chaque Rencontre est aussi important que la Rencontre elle-même. Sur place, nous discutons autour du sujet et autour des idées qui surgissent durant les travaux (ceux de table inclus). Ce n’est qu’après deux ou trois mois que les participants rédigent leurs articles – repris ici suivant l’ordre des interventions. Chacun étant libre, s’entend, d’enrichir ses réflexions avec des éléments nouveaux.

Le 7 janvier, Massimo Rizzante m’écrit d’Italie: «Hier est mort Ricardo Piglia (1941), un des grands romanciers de l’Amérique latine. Il n’est pas très connu chez nous. Pourtant, il est le “dernier lecteur” de Kafka et de Gombrowicz, à savoir le premier auteur à lire pour découvrir les possibilités inachevées de la tradition romanesque européenne.» «Encore une immense perte», je lui réponds le lendemain.

Ce numéro de la liberté est paradoxalement (ou nécessairement) augmenté des écrits de Jacques Lederer, de François Ricard et du signataire de ces lignes dédiés aux amis disparus.

Tout n’est pas dit, comme le pensent souvent les esprits désabusés, voire fatigués. Les affres de la création (Marianne Dutrion) sont toujours à l’ordre du jour, ainsi que celles de la recherche universitaire (Olivier Maillart).

Ce n’est pas un hasard si, dans ce numéro, paraissent un article critique de Thibault Ulysse Comte sur deux livres récents de Jean-Philippe Domecq et un autre de Reynald Lahanque sur trois livres plus anciens de François Taillandier où il est question de l’identité européenne. Le premier ensemble est un regard romanesque sur l’homme contemporain qui s’efforce d’écarter de sa pensée la mort. Le deuxième, sur le fait que le passé ne meurt jamais.

Les Rencontres de Thélème sont des improvisations sur la liberté. La première a été introduite par François Taillandier («Liberté – Mot de passe: Thélème», no 81, mars 2015). La deuxième, par Jean-Yves Masson («Liberté – Quelles règles pour quel jeu?», no 85, mars 2016). La troisième, celle-ci, par Pia Petersen. Son texte d’appel figure au début des articles. La quatrième sera introduite par Denis Grozdanovitch. On trouvera son texte d’appel à la fin du volume.

Et ne me dites pas que mes soucis de logement ne comptent guère au regard des tragédies qui ensanglantent le monde. Parce que là vous vous trompez. Le monde est dans le chas de l’aiguille, l’aiguille dans la meule de foin, le monde est dans l’infinitésimal aussi bien que dans le gigantesque, dans l’accessoire comme dans l’essentiel. Tout compte. Alors tant qu’à faire, continuons malgré les soubresauts du vent. Même le brin d’herbe, là, sous ma paume, ne dira pas le contraire, il sait, lui, que la brise lui casse les côtes, et que le soleil lui donne des ailes.
Marie-Louise Audiberti, Je déménage, 2016.

La liberté, la mort… Ne nous laissons pas être emportés par leur obscure immensité au point de ne pas nous intéresser à l’école (Olivier Maulin), aux bons voyages intercontinentaux (Boniface Mongo-Mboussa), aux méandres de la solitude (Maja Brick) et aux aéroports (Yves Lepesqueur).

Le temps fera certainement son travail. Mais quelle sorte de travail fera-t-il si nous ne faisons pas le nôtre? À savoir, si nous laissons tomber dans l’oubli Richard Yates (Sylvie Perez), Jacques Sternberg (Yannick Rolandeau), Yachar Kemal, Arthur Koestler, Franz Werfel (François Taillandier) et tant d’autres?

La liberté, la mort… Que deviendrions-nous dans ce bas monde si nos esprits restaient captifs des grands sujets impénétrables? Merci, Jean-Jacques!
L. P.

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