L'Atelier du Roman n° 122
André Dhôtel – Monde plein d’étincelles
Il serait difficile de trouver parmi les romanciers français du siècle dernier un romancier dont l’œuvre résonne en nous si proche et si étrange comme celle d’André Dhôtel (1900 – 1991). C’est peut-être parce que Dhôtel nous parle du sentiment de l’émerveillement. Un sentiment qui nous a été familier en tant qu’êtres humains depuis la nuit des temps et qui ne subsiste plus que sous les traits d’une profonde nostalgie. Dhôtel, par son immense œuvre (romanesque, poétique et essayistique), nous rappelle qu’aucune puissance ou science n’arrivera à éliminer le noyau dur de l’humain. S’émerveiller, semble suggérer Dhôtel, n’est pas seulement faire de la philosophie mais vivre le monde comme création. Dans ce numéro, Dhôtel revient en force (avec une quinzaine d’hommages), entouré d’illustres confrères comme Stendhal, Vargas Llosa et Ishiguro et, aussi, des critiques et des chroniques en léger décalage par rapport à l’air du temps.
SOMMAIRE
L'Atelier du Roman n° 122
André Dhôtel – Monde plein d’étincelles
SOMMAIRE
Ouverture
Sylvestre Clancier, Approche de la lumière
Yves Lepesqueur, La conjuration des vivants – L’Honorable Monsieur Jacques
Philippe Blondeau, Faux héros, vrais personnages
Denis Grozdanovitch, Un anarchiste paisible
Peter Handke, Postface à la traduction de Bernard le paresseux
Florent Duffour, Une voie désaffectée de l’ère du soupçon – Le Train du matin
Patrick Pluen, Les merveilles de l’égarement
Jean Pierre Vidal, Les formes de vie à l’œuvre
Cécile A. Holdban, Régionaliste de l’imaginaire
Joël Roussiez, Pays natal, un art étonnant de l’infini romanesque
Jean-Claude Pirotte, Pli perdu
Michel Lamart, Lorsque tu reviendras – Un renoncement au roman ?
Joseph Soletier, Il n’y a rien dans la pensée
André Dhôtel, Biologie et politique
Eryck de Rubercy, Chemins qui mènent partout
Boniface Mongo-Mboussa, Les mots nus : Jaccottet et Dhôtel
Lakis Proguidis, S’émerveiller sans entraves
Dates et œuvres
À la une : Yann Brunel
Critiques
Charles Villalon, L’agneau qui n’enlève pas la beauté du monde – Klara
et le soleil, de Kazuo Ishiguro
Raphaël Arteau Mcneil, Un essai éblouissant – La Beauté du roman, d’Isabelle Daunais
Alexandre Jordeczki, Les fantômes de Jean-Pierre Martinet
Baptiste Arrestier, Sur la trace de l’esprit – Lucien Lewen, de Stendhal
Massimo Rizzante, Vargas Llosa et Madame Bovary – Post mortem
À la une : Yannick Roy
Au fil des lectures
François Taillandier, Dans le jardin aux sentiers qui bifurquent
À la une : Marion Messina
OUVERTURE
L'Atelier du Roman n° 122
André Dhôtel – Monde plein d’étincelles
On dirait qu’André Dhôtel (1900-1991) a écrit pour surprendre son monde. Il n’y a pas chez lui, comme l’exigeait son époque, la moindre trace d’avant-gardisme de bureau et encore moins le moindre indice permettant de l’intégrer dans le grand canon de « Flaubert – Proust – Céline ». Pourtant, c’est pour André Dhôtel que Jean Paulhan disait : « La postérité, malgré ses célèbres caprices, rangera un jour [ses] livres au seul rang qu’ils méritent : le premier. »
C’est Yves Lepesqueur qui a eu l’idée d’un numéro dédié à André Dhôtel. Infinis remerciements pour ses conseils, ses suggestions et son aide dans toutes les parties de cet hommage à un romancier qui ne ressemble à aucun autre.
En considérant l’œuvre de Dhôtel dans son immensité, ce qui étonne, ce qui fait sa beauté exceptionnelle, c’est le mariage insolite du fabuleux avec le banal et du miracle de l’amour et de la nature avec le train-train de la vie. Peut-on dire aujourd’hui que Paulhan a vu juste ? Qui sait ? Les voies de la création sont obscures. Elles ne s’illuminent qu’au fur et à mesure que les œuvres concernées entrent en dialogue avec notre monde.
C’est peu dire que Dhôtel a écrit des romans : il a créé un peuple.
Le romancier porte en lui son identité historique comme une inacceptable limitation, une claustrophobie de l’imagination, de la conscience. Il aspire par tous ses pores à sortir de ce Royaume du Je, par tous ses pores, c’est-à-dire, par tous ses personnages.
Romain Gary, Pour Sganarelle, 1965.
Un grand merci à Yann Brunel. Il a accueilli avec plaisir la sollicitation de faire partie de nos chroniqueurs. Il est l’auteur de deux romans qui s’éloignent complètement des sentiers battus, Homéomorphe et Quatre ou cinq vies d’Illya Grisov.
Les essais littéraires se font rares. Et encore plus rares sont les essais littéraires consacrés exclusivement à l’esthétique du roman, comme La Beauté du roman d’Isabelle Daunais, dont parle Raphaël Arteau McNeil dans ce numéro.
« Dans le jardin aux sentiers qui bifurquent », intitule François Taillandier sa chronique. Ne sommes-nous pas dans un tel jardin quand il s’agit de l’histoire de l’art du roman ? Une histoire universelle qui continue à s’écrire et dont chaque numéro de L’Atelier du roman représente une infime illustration. Des sentiers qui bifurquent. Par ici, nous allons vers Vargas Llosa (Massimo Rizzante), par là, vers Stendhal (Baptiste Arrestier), plus loin, vers Jean-Pierre Martinet (Alexandre Jordeczski) et de ce côté, vers Kazuo Ishiguro (Charles Villalon). Remarquons qu’il y a aussi dans ce jardin des sentiers faussement romanesques (Marion Messina).
Que Yannick Roy parle dans sa chronique d’un roman paru il y a huit ans (L’Homme surnuméraire, de Patrice Jean) est tout à fait dans l’ordre des choses : le calendrier atelieresque n’a rien à faire avec le temps qui coule.
Un monde plein d’étincelles pour des yeux ternis par les écrans.
L. P.
L'Atelier du Roman n° 121
Pourquoi sommes-nous sans nouvelles ?
Ce numéro est un plaidoyer polyphonique en faveur de la nouvelle. Le but ? Essayer de convaincre lecteurs, éditeurs et journalistes de la nécessité de rendre la nouvelle plus présente dans la vie littéraire de notre pays. Les bons nouvellistes ne manquent pas. Et ne manquent pas, non plus, les revues et les petites maisons d’édition qui publient des nouvelles. Ce qui manque, c’est l’intérêt (intérêt dans les deux sens du mot) pour voir la nouvelle occuper la place qui lui appartient depuis Boccace.
Et en dehors du sujet principal, par les chroniques, les articles critiques, les observations menées depuis Sirius et l’entretien avec Akira Mizubayashi, nous continuons à défendre et illustrer les romans d’ici et d’ailleurs.
SOMMAIRE
L'Atelier du Roman n° 121
Pourquoi sommes-nous sans nouvelles ?
SOMMAIRE
Ouverture
Marie-Hélène Lafon, Étoiles filantes
Belinda Cannone, Des liens de la nouvelle et de la poésie
Marin de Viry, La concentration réactionnaire
Joël Glaziou, Réflexions en guise de réponse
Didier Castelan, Taille de la nouvelle
Sophia Schnack, L’après-guerre en nymphes et femmes libellules
(l’Autriche en nouvelles)
Philippe Raymond-Thimonga, Dernières nouvelles de la société médiatique
Cyril de Pins, Le tlönisme considéré comme un des faux arts
Edith de Cornulier-Lucinière, Temps morts pour que vive la nouvelle
Balthazar Kaplan, La vibration
Emmanuelle Favier, Le sceau du soupçon
Shmuel T. Meyer, Nature morte
Chiara Mezzalama, Entre nouvelles et « raconti »
Yves Hersant, Coup d’œil dans l’atelier de Calvino
Lakis Proguidis, Question de tradition, aussi
À la une : Théo Ananissoh
Critiques
Sylvie Richterova, Je rêve ou je suis éveillé ? – L’Identité, de Milan Kundera
Reynald Lahanque, Auschwitz, roman – La Zone d’intérêt, de Martin Amis
Lakis Proguidis, Alliances stratégiques – L’Accordeur d’intérieurs, de Celso Castro
Entretien
Akira Mizubayashi – Simona Carretta, La langue du roman
À la une : Olivier Maulin
De près et de loin
Morgan Sportes, Marxel Proust, snobisme et fétichisme de la marchandise
Samuel Bidaud, La littérature tchèque vue de Sirius
Fabrice Châtelain, Bonjour tristesse
À la une : Yves Lepesqueur
Au fil des lectures
Boniface Mongo-Mboussa, Essai sur les essais
OUVERTURE
L'Atelier du Roman n° 121
Pourquoi sommes-nous sans nouvelles ?
L’année dernière, Belinda Cannone, amie et collaboratrice de L’Atelier du roman de longue date, a publié un recueil de nouvelles, Les Vulnérables, qui m’a beaucoup plu. À ma lettre de remerciements et de félicitations, Belinda m’a répondu par une suggestion : « Et si L’Atelier consacrait un numéro au fait que la nouvelle ne se porte pas très bien en France ? » Excellente idée, me suis-je dit. C’est ainsi que nous nous sommes mis à travailler à la préparation de ce numéro : proposer d’éventuels participants, solliciter leur présence, etc. Une collaboration parfaite. Infinis remerciements.
Si nous consacrons un numéro à la défense et l’illustration de la nouvelle, c’est parce que nous considérons que la rédaction, la diffusion et la lecture des nouvelles contribuent grandement à la vivacité et au renouvellement de notre littérature dans son ensemble. Bien entendu, nous ne menons pas une investigation journalistique. Nous publions des points de vue rédigés par des écrivains. Parmi eux, il y a des éditeurs, des revuistes et évidemment des nouvellistes. Un grand merci à tous.
De Stevenson (Olivier Maulin) à Castro (celui qui signe) et à Kundera (Sylvie Richterova) notre sujet reste toujours le même : l’art du roman dans ses multiples formes et variantes. Ce qui n’a rien à faire avec l’impératif de la diversité pour la diversité qu’essaie d’imposer le catéchisme postmoderne.
C’est un plaisir tout particulier de lire l’auteur d’Une langue venue d’ailleurs, qui parle de son amour du français et commente ses œuvres (entretien d’Akira Mizubayashi avec Simona Carretta).
Concernant les œuvres d’art réussies, ce que nous ne saurons jamais calculer, indépendamment de leur taille, est le temps de leur gestation.
Entre autres nombreuses qualités, Tchouang-tseu avait une grande sûreté de main. Le roi lui demanda de dessiner un crabe. Tchouang-tseu dit qu’il lui fallait un délai de cinq ans, ainsi qu’une villa avec douze serviteurs. Au bout de cinq ans, le dessin n’était pas commencé. « Il me faut cinq autres années », dit Tchouang-tseu. Le roi les lui accorda. Quand s’acheva la dixième année, Tchouang-tseu prit son pinceau et en un instant, d’un seul trait, il dessina un crabe, le crabe le plus parfait qu’on eût jamais vu.
Italo Calvino, Leçons américaines.
Que les crimes abominables contre l’humanité soient condamnés dans nos consciences une fois pour toutes ne signifie pas qu’ils ont cessé de représenter pour les romanciers des énigmes existentielles inépuisables. Ainsi l’apartheid pour Damon Galgut (Théo Ananissoh) et les fours crématoires pour Martin Amis (Reynald Lahanque).
Si, d’après la lecture de Morgan Sportès, la fétichisation de la marchandise est déjà perceptible dans l’œuvre de Proust, ce n’est que de nos jours qu’elle connaît son apogée avec la désacralisation de la mort (Yves Lepesqueur).
Le numéro de décembre, comme il a déjà été annoncé dans le numéro de décembre dernier, sera consacré au poète et romancier Tchicaya U Tam’si (1931-1988). La présente chronique de Boniface Mongo-Mboussa ne se réfère pas directement à cet écrivain, mais elle peut être lue comme une introduction à la matière. Car Mongo-Mboussa y parle des dilemmes existentiels qui se dressent devant l’art et l’esprit de tout un continent.
Heureux les pays qui ont su sauvegarder leur humour (Samuel Bidaud). Quant au nôtre… Bonjour tristesse ! (Fabrice Châtelain).
Infinis remerciements à Gaël Mensdorff-Pouilly pour la traduction de la postface de Sylvie Richterova à L’Identité de Milan Kundera. Cette postface a été rédigée pour la parution du livre en tchèque.
Nombreux sont les lecteurs, nous semble-t-il, les libraires et les écrivains qui aimeraient que la nouvelle soit plus présente dans la vie littéraire de notre pays. Espérons que les éditeurs et les journalistes littéraires en tiendront compte.
L. P.
L'Atelier du Roman n° 120
Lire et relire Rabelais (III) – XIe Rencontre de Thélème
Ce numéro illustre bien la conviction profonde de L’Atelier du roman selon laquelle seul le renforcement de nos liens avec les grandes œuvres du passé peut authentifier notre réflexion sur les enjeux de notre monde. Ainsi, dans ce numéro se côtoient nos pages sur Rabelais – fruit de la IIIe Rabelaisiade qui a eu lieu à Chinon l’automne dernier – et nos pages où il est question de l’intelligence artificielle et de l’emprise grandissante des images numériques sur nos vies et nos rapports avec les autres. Deux mondes: L’un bâti sur l’euphorie de la création, l’autre sur l’inquiétude généralisée devant les avancées spectaculaires de la technique. Et il n’y a pas que Rabelais pour aiguiser notre pensée. Car nous parlons aussi de Cervantès, d’Octavio Paz, d’Ernesto Sabato, de Pasolini et de Kundera. Et nous publions un long entretien de Jean-Michel Delacomptée sur la grandeur du français et les dangers qu’il encourt dans un monde où l’efficacité l’emporte sur le sens et la beauté.
SOMMAIRE
L'Atelier du Roman n° 120
Lire et relire Rabelais (III) – XIe Rencontre de Thélème
SOMMAIRE
Ouverture
Thierry Gillybœuf, Panurge, l’incompris
Francesco Forlani, Les géants sur les épaules des nains
Boniface Mongo-Mboussa, Rabelais, conteur martiniquais
Lakis Proguidis, Un cinquième livre ?
Lenka Hornadova-Civade, Sur les traces de Rabelais chez les Tchèques
Jacky Vellin, Panurge et la naissance du roman
Reynald Lahanque, Rabelais à l’école : mission impossible ?
Charles Villalon, C2H5-OH
Steven Sampson, Proguigruel
Cyril de Pins, Du personnage de roman
À la une : Trevor Cribben Merrill
Critiques
Christian Salmon, La beauté des choses inaccomplies – Pour Milan Kundera
Nunzio D’Annibale, Le triomphe de la paralittérature
Daniel et Dominique Ilea, Vocation d’écrivain – Un an de solitude et autres histoires livresques, de Jean-Pierre Longre
Jean-Marc Bastière, Rencontre rêvée – Échec et mat au Paradis, de Sébastien Lapaque
À la une : Marion Messina
De près et de loin
Emmanuel Bluteau, Jean Prévost, maître d’œuvre de Problèmes du roman
Jean-Michel Delacomptée – jean berthier, Notre langue (entretien)
Charlotte Abramovitch, La bibliothèque de Babel
À la une : Yannick Roy
Au fil des lectures
Massimo Rizzante, Diptyque – Ernesto Sabato et Octavio Paz
Discussion
Philippe Raymond-Thimonga – Lakis Proguidis, Adrian Æ : le roman face à l’image
OUVERTURE
L'Atelier du Roman n° 120
Lire et relire Rabelais (III) – XIe Rencontre de Thélème
Dans ce numéro se côtoient le lointain passé et le proche avenir. Cela commence avec les prouesses de Pantagruel et se termine avec les exploits de la Silicon Valley. Au début, il y a des écrits sur l’œuvre de Rabelais, à la fin une discussion avec Philippe Raymond-Thimonga, auteur d’Adrian Æ, roman de 2022 où il est principalement question de l’emprise des images sur nos vies. Côté passé, l’euphorie de la création, côté présent, la stérilité de l’esprit devant les « avancées » de la science.
Les pages sur Rabelais sont le fruit de la troisième Rencontre du cycle des Rencontres annuelles de Thélème «Lire et relire Rabelais». Ce ne sont pas des «actes». Il s’agit des textes rédigés bien après la discussion qui a eu lieu à Chinon l’automne dernier. Que les participants en soient amplement remerciés.
Je tiens à remercier la Région Centre-Val de Loire, la Communauté de communes Chinon-Vienne et Loire et l’association Autour de Babel. C’est grâce à leur soutien que les Rencontres de Thélème sont reconduites d’année en année.
Je tiens aussi à remercier Michel Garcia et Françoise Bergot pour leur aide inappréciable à l’organisation de cette Rencontre.
«Défense et illustration de la langue française» version 2025: entretien de Jean-Michel Delacomptée avec Jean Berthier. Pour compléter le numéro 118 de septembre dernier consacré au langage dit inclusif.
Coïncidence significative. De Los Angeles nous parvient la chronique de Trevor Cribben Merrill dédiée à l’intelligence artificielle. Des deux côtés de l’Atlantique nous avons apparemment à faire avec les mêmes inquiétudes face à la prise en main de l’humain par la «Mégamachine» (Lewis Mumford).
Tout ce qui ressortit désormais à la logique algorithmique ou numérique et qui esbaudit si étourdiment les thuriféraires du monde informatique n’est que le prolongement de l’appréhension du monde dominée par les chiffres et les schémas, et qui n’a plus grand-chose à voir avec ce que les philosophes humanistes d’antan nommaient l’Entendement.
Denis Grozdanovitch, Une affaire de style, 2025.
Je ne connais pas de meilleur exemple de création collective sous l’Occupation allemande que le double numéro de Confluences sous le titre «Problèmes du roman», paru à Lyon en 1943. Y ont participé cinquante-cinq écrivains. De Simenon à Aragon et de Camus à Stein. Emmanuel Bluteau nous parle du maître d’œuvre Jean Prévost, mort au combat, et de son extraordinaire aventure littéraire. Espérons qu’un éditeur s’intéressera à réimprimer cet ouvrage, unique dans les annales de la «Pensée du roman» (Thomas Pavel).
Plus nous nous exposons, bon gré mal gré, aux ondes des centrales numériques, plus nous avons besoin de nos maîtres: Pasolini (Marion Messina), Kundera (Christian Salmon), Cervantes (Yannick Roy) et Paz et Sabato (Massimo Rizzante).
Et regardons aussi ce qui se fait de nos jours côté roman et dont parlent Daniel et Dominique Ilea, Nunzio d’Annibale et Jean-Marc Bastière.
Il y a treize ans, Benoît Duteurtre s’étonnait dans sa chronique (no 71, septembre 2012) du fait que la gare Saint-Lazare, après de coûteux travaux de rénovation, eût l’air d’un grand centre commercial identique à ceux qui poussent dans le monde entier. Il ne faut plus que la chose corresponde au mot: c’est la règle d’or de nos sociétés. Ainsi pour les bibliothèques (Charlotte Abramovitch).
L. P.
L'Atelier du Roman n° 119
Fellini et les écrivains
Pour le cinéma il y a de bonnes revues spécialisées. Si, avec ce 119e numéro, nous débordons notre cadre, c’est pour parler de Fellini, d’un metteur en scène atypique, d’un metteur en scène pour qui la grande littérature a été l’antichambre de ses créations cinématographiques. Fellini n’a pas réalisé des adaptations; il s’est inspiré des «matériaux» littéraires pour réaliser son univers filmique où se mêlent sans arrêt bouffonnerie et rêve. Sources peut-être de tous les arts. Dans le reste de la matière, sur fond d’œuvres romanesques importantes, chroniques et critiques se réunissent dans un voyage intercontinental. (En partenariat avec la Fondation Fellini pour le cinéma).
SOMMAIRE
L'Atelier du Roman n° 119
Fellini et les écrivains
SOMMAIRE
Ouverture
Federico Fellini, Poe à Venise
Daniela Barbiani, Quand le réalisateur cache l’écrivain
Stefano Godano, Fellini, Kafka et Kundera
Stéphane Marti, Fellini – Le miroir de Dante
Federico Fellini, Entretien avec Antonio Debenedetti sur Franz Kafka
Guy Scarpetta, Notes éparses sur Federico Fellini
Pietro Citati, Fellini, le candide qui parle à la lune...
Salman Rushdie, Notes sur la paresse : de Saligia à Oblomov (extrait)
Guilermo Cabrera infante, Une vision de Fellini
Federico Fellini, Lettre à Spagnol sur Tolstoï
Hugo Chaparro valderrama, Le passé, le présent et le royaume de la fantaisie
Georges Simenon, Fellini
Daniele del Giudice, Les rêves bien tempérés de Federico Fellini
Federico Fellini, Tutto è finto nel cinema
Milan Kundera, Kafka, Heidegger, Fellini
Vincenzo Mollica, Fellini mon ami – Extrait, Schulz-Fellini
Ermano Cavazzoni, Fellini taoïste
Italo Calvino, Autobiographie d’un spectateur (extrait)
Federico Fellini, À propos d’Othello
Gianni Celati, Fellini et le mâle italien
Massimo Rizzante, Fellini et la vulgarité divine
Dates et œuvres
À la une : Olivier Maulin
À la une : Yves Lepesqueur
Critiques
Bernard Quiriny, Les doigts dans le nez (En mémoire de Benoît Duteurtre)
Reynald Lahanque, « L’écho de la voix du conteur » – Théodoros, de Mircea Cărtărescu
Raphaël Arteau Mcneil, La peur de Mrs Dalloway
Lakis Proguidis, La Plaisanterie ou Kundera et le monde qui ne plaisante pas
À la une : Boniface Mongo-Mboussa
Au fil des lectures
Isabelle Daunais, À la table de Middlemarch
OUVERTURE
L'Atelier du Roman n° 119
Fellini et les écrivains
Ce numéro est le fruit d’une idée de Daniela Barbiani et de Stefano Godano: si vous faisiez un numéro sur le rôle qu’ont joué les grands écrivains dans la vie et l’œuvre de Fellini? Excellente idée! Ainsi le cinéma peut entrer dans notre atelier sans que nous soyons obligés de nous lancer dans des bavardages sur les supposés rapports entre le roman et le cinéma.
Ce qui me fascine dans ce qu’a fait Kafka, c’est que son Amérique existe. Comme je voulais reconstruire une Amérique en studio à Rome, je suis confronté au fait qu’un grand écrivain, visionnaire, névrotique, a refait son Amérique à partir de petites suggestions, et avec son génie, il a transmis une Amérique qui va durer beaucoup plus longtemps que l’Amérique réelle.
Federico Fellini, entretien avec Alain Finkielkraut, Le Messager européen, no 1, 1987.
Infinis remerciements à la Fondation Fellini pour le cinéma et son président, Stéphane Marti, pour leur soutien financier et leurs conseils amicaux.
Daniela Barbiani, nièce de Federico Fellini, n’a pas seulement eu l’idée de cet hommage à Fellini. Elle nous a autorisés à reproduire des dessins de Fellini provenant de sa collection. Qu’elle soit grandement remerciée.
Et infinis remerciements aussi à Massimo Rizzante qui a coordonné l’ensemble de la matière et qui, comme professeur de littérature comparée à l’Université de Trento, s’est chargé de la partie administrative avec la Fondation Fellini pour le cinéma.
Un grand absent dans ce dialogue inter-artistique: Benoît Duteurtre. Cet été il est parti dans son village avec l’intention, entre autres, de terminer son article sur Fellini. Les cieux en ont décidé autrement. À sa mémoire, nous reprenons l’article de Bernard Quiriny publié dans le numéro consacré à Duteurtre, «Étonnez-nous, Benoît!» (no 76, décembre 2013), avec l’autorisation de l’auteur qui a eu la gentillesse d’ajouter quelques mots sur la pérennité de l’œuvre de Duteurtre.
Pour paraphraser Milan Kundera parlant de l’Europe, je dirai qu’une revue de réflexion esthétique est une revue qui concentre dans le plus petit espace la plus grande diversité esthétique, culturelle et historique. Ici, George Eliot (Isabelle Daunais) et Virginia Woolf (Raphaël Arteau McNeil) côtoient Bossuet (Yves Lepesqueur), Frantz Fanon et la littérature des indépendances (Boniface Mongo-Mboussa), le Kundera de l’époque du Printemps de Prague (celui qui signe) et deux importants romanciers de nos jours, Patrice Jean (Olivier Maulin) et Mircea Cărtărescu (Reynald Lahanque). Bien sûr, le hasard avant tout et, peut-être, l’esprit de Fellini.
Un grand merci à tous les collaborateurs et, aussi, à Francesca Lorandini pour son aide discrète.
Le clown exerce sur moi un profond attrait (bien que je ne m’en sois pas toujours douté), justement parce qu’entre le monde et lui se dresse le rire. Son rire à lui n’a jamais rien d’homérique. C’est un rire silencieux, sans gaieté comme on dit. Le clown nous apprend à rire de nous-mêmes. Et ce rire-là est enfanté par les larmes.
Henry Miller, Le Sourire au pied de l’échelle, 1948.
La photo de Fellini est prise sur le set de E la Nave va, Teatro 5, Cinecittà, le 16 mars 1983. Photographie réalisée par Yves Reichenbach pour la revue Questions, no 1, mai 1983. Avec l’aimable autorisation de la revue.
Cinéma-littérature! un rapprochement qui naît en général de rapports polémiques, de priorités vaines, de dépendances fictives. Chaque œuvre d’art vit dans la dimension dans laquelle elle a été conçue et exprimée; la transférer, la transposer de son langage originaire à un autre, différent, veut dire l’effacer, la nier.
Federico Fellini, Faire un film, 1996.
Programme 2025: Mars, «Lire et relire Rabelais» – sont rassemblés les articles des participants à la IIIe Rabelaisiade, qui a eu lieu à Chinon les 5 et 6 octobre 2024. Juin, «Pourquoi sommes-nous sans nouvelles?» – en effet, pourquoi notre République des lettres est-elle réfractaire aux nouvelles? Septembre, «André Dhôtel» – pour ne pas oublier les oubliés. Et décembre, «Tchicaya U’Tamsi» – pour ne pas oublier l’Afrique.
L. P.
L'Atelier du Roman n° 118
Du langage dit inclusif
En absence des principaux intéressés, les écrivains, le langage dit inclusif se répand partout. De l’université au commerce et de l’administration à la publicité, rien n’est épargné. En absence des écrivains, à savoir de ceux dont la parole en la matière fait, a priori, autorité, on essaie d’imposer à l’ensemble de la société une conception de la langue étrangère à tout savoir établi et approuvé, et d’inventer des applications oscillant entre l’absurde et le ridicule. Il est urgent d’en discuter; c’est notre devoir. La langue est notre maison et le trésor que nous ont légué les générations qui nous ont précédé. De tous les sujets qui doivent faire débat dans toutes les couches de la population, celui du langage dit inclusif est d’une priorité absolue. Il va de la survie de notre société.
Et puis, nous parlons aussi des œuvres romanesques importantes (Kundera, Wallace) et, dans nos chroniques, cosmopolitisme oblige, nous survolons le monde de Los Angeles à Varsovie en passant par Montréal et le Cameroun. .
SOMMAIRE
L'Atelier du Roman n° 118
Du langage dit inclusif
SOMMAIRE
Ouverture
François Taillandier, L’inclusivisme est à nos portes
Belinda Cannone, Il était une fois – Du genre dans la littérature
Jean-Michel Delacomptée, Sermon sur la misère de l’écriture inclusive
Reynald Lahanque, Art inclusif (d’après Paul.e Verlain.e)
Thierry Gillybœuf, Le parole sono importanti
Olivier Rey, Langue inclusive et amerture en milieu universitaire
Charlotte Abramovitch, L D I
Benoît Duteurtre, Retour à l’expéditeur
Yvan Gradis, Correcteur antiteurtriste
Sylvie Perez, Le langage inclusif ou la tragédie de l’Europe centrale
Marilia Amorim, Inclure, exclure – Langue et discours
Fulvio Caccia, La nouvelle querelle des Anciens et des Modernes
Cyril de Pins, Confessions d’un point bavard
Ariane Bilheran, Totalitarisme et novlangue – Déconstruction et reconstruction de la langue
Denis Grozdanovitch, Une écriture très exclusive
Yves Lepesqueur, Quand le singe n’aime plus sa forêt – Paulhan, Dhôtel et la confiance perdue
Patrice Charrier, Trouble dans la langue
Philippe Renonçay, Le remords du langage
Steven Sampson, Le récit d’un point
Morgan Sportes, D’où parles-tu camarade ?
Jean-Yves Masson, À l’écriture inclusive, préférez donc l’espéranto
Lakis Proguidis, Après la société
À la une : Trevor Cribben Merrill
Critiques
Massimo Rizzante, Le kitsch, ou bien un des malentendus sur l’œuvre de Kundera
Baptiste Arrestier, Le dernier roman du xxe siècle – L’Infinie Comédie, de David Foster Wallace
À la une : Théo Ananissoh
De près et de loin
Jacques Dewitte, De quoi nos langues sont-elles menacées ?
Philippe Roussel, Un type que personne ne connaît : René Béhaine165
À la une : Yannick Roy
Au fil des lectures
Marek Bieńczyk, 1943
OUVERTURE
L'Atelier du Roman n° 118
Du langage dit inclusif
Le parti de l’humour est en deuil. Il vient de perdre l’un de ses plus éminents représentants: Benoît Duteurtre. Et L’Atelier du roman vient de perdre l’ami cher, le collaborateur fidèle, le compagnon précieux dans toutes ses activités et le convive, toujours aimable, toujours plaisant, de ses fêtes.
*
Depuis quelques années nous sommes témoins de plusieurs initiatives concernant l’application dans tous les domaines de la vie du langage dit inclusif. Des universités, des mairies, des secteurs entiers de la communication et du commerce et des cercles de linguistes prennent part à la substitution de notre langue (garantie par la Constitution) par un langage artificiel qu’on veut croire salutaire pour l’égalité des sexes.
*
Que l’on veuille ajouter à l’éternelle quête de la provenance des langues la différenciation sexuelle, il n’y a aucun mal, au contraire même. Ce sera un enrichissement pour le savoir. Mais passer à l’acte, fournir des solutions, déformer la langue officielle, édifier à l’intérieur de la société française une communauté langagière distincte, introduire donc, forcément, une rupture générationnelle là où doit régner la continuité et la transmission, ce sont là des signes qui ne peuvent pas laisser les écrivains indifférents.
*
Un grand merci à tous les participants dans cette défense de notre langue.
*
Et voilà qu’aujourd’hui, avec une autosatisfaction inouïe, des technos, persuadés que la Terre a attendu leur venue au monde pour commencer sa rotation, voudraient transformer la langue. Il faut se représenter la confiance qu’ils ont en eux, ces «gestionnaires du monde qui change», pour s’en prendre à la langue française, vieille dame punk. Imaginons la scène: ils se lèvent le matin, se regardent dans la glace et se disent: «Je vais réformer la langue, fleurie par Marie de France, stabilisée par les Valois, soulevée par Rabelais, solennisée par Racine, déliée par Marivaux, polie par Montesquieu, enluminée par Hugo, illuminée par Rimbaud, stratosphérisée par Breton, électrocutée par Céline, solarisée par Camus, évangélisée par Mauriac – je vais la réinventer totalement, moi, Mme Michu de l’écriture inclusive et moi M. Jourdain de la vigilance lexicale.» Quel culot!
Sylvain Tesson, Le Figaro, 3 décembre 2021.
*
Avec la parution ce printemps des deux derniers volumes se complète le Journal de Philippe Muray. Trésor inépuisable (Philippe Roussel).
*
Si l’article de Jacques Dewitte ainsi que les chroniques de Trevor Cribben Merrill et de Yannick Roy résonnent de manière contrapuntique avec le principal sujet, c’est le divin hasard qui l’a voulu.
*
Kundera. Un an de sa mort. Il est tout à fait dans la logique des choses que Massimo Rizzante rende hommage à Kundera par un article centré sur le kitsch.
*
Il y a quatorze ans, en 2010, nous avons consacré un numéro entier à la défense du français, sous le titre «Parlons du français». À l’époque, c’était pour réagir à l’abandon massif du français en faveur de l’anglais. Aujourd’hui, face aux mesures prises, ici ou là, pour promouvoir un langage a-historique, un langage qui coupe les liens avec la langue, à savoir avec la plus magnifique, la plus grandiose création collective, la menace vient pour ainsi dire de l’intérieur. Et c’est notre devoir de réagir de nouveau.
*
Il n’y aurait ni langue, ni société, ni histoire, ni rien si un Français ordinaire d’aujourd’hui n’était pas capable de comprendre aussi bien Le Rouge et le Noir ou même les Mémoires de Saint-Simon qu’un texte novateur d’un écrivain original. Oublier cela, ce serait oublier cette autre fonction fondamentale de la langue, qui est d’assurer à toute société un accès à son propre passé.
Cornelius Castoriadis, L’Institution imaginaire de la société, 1975.
*
Heureuse coïncidence. Dans le même numéro, trois écrits sur les maux qui pèsent sur la conscience occidentale et que l’art ne cesse d’interroger. À savoir, la colonisation (Théo Ananissoh), les camps d’extermination (Marek Bieńczyk) et le nihilisme couramment appelé postmodernisme (Baptiste Arrestier).
*
Au romancier Benoît Duteurtre nous avons consacré le 76e numéro (décembre 2013): «Étonnez-nous, Benoît!» Nous y reviendrons, certainement. Ici, nous reprenons quatre des dessins de son cher ami Sempé qui illustrent cette publication. Tous portaient comme légende, avec l’accord de Sempé, des titres des ouvrages de Duteurtre.
L. P.