Couverture du n° 111 de L'Atelier du RomanL'Atelier du Roman n° 111

Adalbert Stifter – avant que la nature disparaisse

 

Que notre monde fait beaucoup de bruit sur l’état désastreux de la nature ne signifie pas pour autant qu’il la connaît et, encore moins, qu’il l’aime. Le plus probable est que ce bruit sert à camoufler le risque bien réel que nos vies soient stérilisées de tout rapport psychique, cognitif, poétique et spirituel avec la nature. C’est de ce rapport spécifiquement humain avec la nature que parle toute l’œuvre romanesque d’Adalbert Stifter (1805-1868). L’auteur de L’Arrière-saison n’est pas un inconnu. Mais c’est aujourd’hui qu’il faut le relire. Avant que la nature disparaisse. Ou, ce qui revient au même, avant que nous perdions notre nature humaine.
À l’intervalle, les livres nous attendent, dit François Taillandier dans sa chronique. Nous parlons de quelques-uns dans le reste de la matière. Apparemment, selon les signes du temps, notre sort est scellé. Nonobstant, selon les signes de la création, le miracle l’emporte toujours.

Couverture du n° 111 de L'Atelier du RomanL'Atelier du Roman n° 111

Adalbert Stifter – avant que la nature disparaisse

 

Que notre monde fait beaucoup de bruit sur l’état désastreux de la nature ne signifie pas pour autant qu’il la connaît et, encore moins, qu’il l’aime. Le plus probable est que ce bruit sert à camoufler le risque bien réel que nos vies soient stérilisées de tout rapport psychique, cognitif, poétique et spirituel avec la nature. C’est de ce rapport spécifiquement humain avec la nature que parle toute l’œuvre romanesque d’Adalbert Stifter (1805-1868). L’auteur de L’Arrière-saison n’est pas un inconnu. Mais c’est aujourd’hui qu’il faut le relire. Avant que la nature disparaisse. Ou, ce qui revient au même, avant que nous perdions notre nature humaine.
À l’intervalle, les livres nous attendent, dit François Taillandier dans sa chronique. Nous parlons de quelques-uns dans le reste de la matière. Apparemment, selon les signes du temps, notre sort est scellé. Nonobstant, selon les signes de la création, le miracle l’emporte toujours.

Sommaire

SOMMAIRE

Couverture du n° 111 de L'Atelier du RomanL'Atelier du Roman n° 111

Adalbert Stifter – avant que la nature disparaisse

 

 

SOMMAIRE

Ouverture

Jean-YvesMasson, L’explorateur du continent humain
Eryck de Rubercy, De la lenteur
Denis Grozdanovitch, Le monde idyllique d’Adalbert Stifter
Claude Dourguin, Stifter ou la nécessité du chemin
Arnold Stadler, Mon Stifter, portrait d’un suicidé in spe
Françoise L’Homer-Lebleu, Adalbert Stifter tel qu’en ses lettres
Adalbert Stifter, Lettres
Joël Roussiez, Une dramaturgie sans drame ou le sens du tragique
Thomas Pavel, Le sourire de Stifter
Charles Brion, Les Grands Bois, une grande nouvelle d’avant la maturité
Reynald Lahanque, L’arrière-saison des amours
Lakis Proguidis, Regarde cette fleur !

Dates et œuvres

À la une : Yannick Roy

Critiques
Jacques Dewitte, La chose qui n’est pas – Gulliver au pays 
des Houyhnhnms
Riccardo Pineri, Le désenchantement des origines – Cesare Pavese et le mythe des mers du Sud
Baptiste Arrestier, Le détective et l’assassin – Au-dessous du volcan, de Malcolm Lowry
Raphaël Arteau Mcneil, L’avenir d’une certitude – California Dream, de Daniel D. Jacques

À la une : Trevor Cribben Merrill

Entretien
Patrice Jean – Lakis Proguidis, Jeu et vérité

À la une : Théo Ananissoh

Au fil des lectures
François Taillandier, Les livres nous attendent…

 

Ouverture

OUVERTURE

Couverture du n° 111 de L'Atelier du RomanL'Atelier du Roman n° 111

Adalbert Stifter – avant que la nature disparaisse

 

 

Un numéro consacré à Adalbert Stifter (1805-1868) peut paraître surprenant, vu l’intérêt de L’Atelier du roman pour les romanciers qui ont profondément marqué l’histoire et l’art du roman. Natif de Bohême, pays qui faisait à l’époque partie de l’Empire autrichien, peintre et prosateur, avec plusieurs romans et recueils de nouvelles à son actif, Stifter est resté à l’écart des grands bouleversements artistiques et culturels qui ont commencé à secouer l’Europe au milieu du xixe siècle. Il est considéré, en général, comme l’un des précurseurs de l’esthétique Biedermeier, esthétique magnifiant les valeurs de la famille et de la vie campagnarde. Ce qui ne l’a pas empêché d’obtenir l’approbation de ses contemporains, ainsi que des grands écrivains de tous bords, de Nietzsche à Kafka et de Walser à Kundera.

Infinis remerciements à Eryck de Rubercy et Françoise L’Homer-Lebleu. Eryck de Rubercy a eu l’idée de cet hommage à Stifter. Et c’est grâce à Françoise L’Homer-Lebleu que nous publions, traduites et préfacées par elle, quelques lettres choisies dans la volumineuse correspondance de Stifter, inédite en France. Françoise L’Homer-Lebleu a aussi rédigé la notice biobibliographique, la plus complète en français, sur l’auteur de L’ Arrière-saison.

À la Une : ce qui est à la première page des journaux. Dans chaque numéro de L’Atelier du roman il y en a trois. Par trois fois nos chroniqueurs (ici, Yannick Roy, Trevor Cribben Merrill et Théo Ananissoh) commentent l’actualité romanesque qui, tel un grand fleuve tranquille, coule en dehors du temps en irriguant tous les continents.

Ce ne sont pas seulement quelques écrivains de renom qui apprécient Adalbert Stifter. En France, il continue à être édité et réédité. D’où vient donc cet intérêt pour une œuvre si opposée à notre monde et si étrangère aux canons littéraires en vogue? Qui sait? Peut-être, à moins cinq, le temps est-il venu de capter la voix qui émane des profondeurs de cette œuvre: la nature n’a pas besoin de protection mais d’amitié.

«Les livres nous attendent. Ils ont le temps», écrit François Taillandier dans son «Au fil des lectures». Les livres, certes. Mais, ayant inventé tant de machines pour gagner du temps, c’est nous qui risquons de ne plus en avoir pour lire.

Non sans fatuité, les Occidentaux disaient « la science » pour désigner la science moderne (ou la science expérimentale). Par là même, consciemment ou non, ils manifestaient leur mépris pour les savoirs qu’avaient élaborés les autres cultures. Mais leur science, en fait, était une science parmi d’autres, c’est-à-dire une institution historiquement datée et conçue pour satisfaire les aspirations et les besoins d’un certain type de société. Comment ont-ils pu oublier, en particulier, à quel point leurs méthodes et leurs stratégies cognitives étaient enracinées dans les pratiques techniques et industrielles?
Pierre Thuillier, La Grande Implosion, 1995.

Stifter n’a peut-être pas marqué l’histoire du roman. Ce qui est discutable. Mais il a marqué d’une manière inimitable l’histoire de l’humaine condition: l’homme qui ne s’émerveille pas devant un paysage est perdu tant pour la nature que pour la science.

Le divin hasard a voulu que nos pages «critiques» tournent autour des tentations qui hantent nos esprits: celle de l’art pour l’art (Au-dessus du volcan, de Malcolm Lowry, par Baptiste Arrestier), celle de la science pour la science (California dream, de Daniel D.
Jacques, par Raphaël Arteau McNeil), celle de l’utilitarisme intégral («Gulliver au pays des Houyhnhms», par Jacques Dewitte) et, comme pour conjurer ces maux, celle de l’exotisme («Cesare Pavese et le mythe des mers du Sud», par Riccardo Pineri).

«Jeu et vérité» s’intitule l’entretien avec Patrice Jean. Vérité. Pour ne pas laisser le jeu dominer. De toutes les tentations susmentionnées, la plus insidieuse est celle du ludique pour le ludique.

2023. Mars, François Ricard. Juin, le numéro inaugural du nouveau cycle des Rencontres annuelles de Thélème : « Lire et relire Rabelais ». Septembre, Jean-Jacques Sempé. Décembre, Leo Perutz.

De temps à autre je dois le répéter : les pages que nous consacrons à l’œuvre d’un romancier ne sont pas des « dossiers ». Il n’y a pas des discussions préalables pour découper l’œuvre concernée en « sujets » à traiter. Les écrivains sollicités – qu’ils soient tous remerciés – livrent leur lecture. Le but est le dialogue esthétique par articles interposés. Ayant choisi une œuvre romanesque comme basse continue, le but est de faire résonner un ensemble polyphonique.
L.P.