L'Atelier du Roman n° 117
Simenon – Le peuple du roman
La doxa critique veut qu’une grande œuvre romanesque ne saura être lue et appréciée à sa juste valeur que par un public restreint. Simenon – et, fort heureusement, il n’est pas le seul – prouve concrètement, réellement, que grand art et enthousiasme populaire ne sont pas des termes antagonistes. Peut-être que Simenon ne fera jamais partie d’une nomenclature avant-gardiste. Tant pis ou tant mieux. Dans tous les cas, nous l’aimons. Nous le lisons et relisons. Parce qu’il appartient, définitivement, à la grande lignée de Cervantès, de Balzac, de Dickens et de Tolstoï.
Nous parlons aussi de quelques indispensables (Powys, Malamud, Kundera et Kafka), sans oublier de scruter notre avenir de tout virtuel (Philippe Raymon-Thimonga) ou de nourrir la réflexion sur l’art du roman (Denis Wetterwald).
Sommaire
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SOMMAIRE
L'Atelier du Roman n° 116
Simenon – Le peuple du roman
SOMMAIRE
Ouverture
Massimo Rizzante, La peur et le crime
Michel Biron, Il n’y a pas de parce que
Bernard Quiriny, Abécédaire Simenon
Manuel Candré, Prénom Jules
Francesco Forlani, Une vérité nue
Alberto Savinio, Georges Simenon
Thierry Gillybœuf, Mystique du perroquet
Marin de Viry, La cuisine bourgeoise contre le crime
François Bordes, L’accointance Simenon
Slobodan Despot, La Possession
Nunzio Casalaspro, La parole perdue
Loïc Barrière, Simenon, un maître
Reynald Lahanque, La fatigue d’exister
Charles Villalon, La disparition de Paris
Lakis Proguidis, C’était encore hier
Dates et œuvres
À la une : Yves Lepesqueur
Critiques
Alphonse Cugier, Ce rêve ancien d’un homme nouveau – Adrian Æ, de Philippe Raymond-Thimonga
Lenka Hornakova-Civade, L’art de disparaître en beauté – Milan Kundera
Jérôme Couillerot, Attendre comme un Malamud – Bernard Malamud
Florence Marie, After my fashion : L’atelier d’écriture de John Cowper Powys
À la une : Marion Messina
De près et de loin
Raphaël Arteau mcneil, La fatigue de Joseph K.
Denis Wetterwald, Florilège
À la une : Boniface Mongo-Mboussa
Au fil des lectures
François tTaillandier, What’s better than money ? Ouverture
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OUVERTURE
L'Atelier du Roman n° 116
Simenon – Le peuple du roman
Un numéro sur Simenon peut paraître superflu. Que peut-on dire de nouveau sur l’homme et ses œuvres après tant de spécialistes, de biographes, de chercheurs, de critiques et d’admirateurs? Sa gloire est faite. Les grands écrivains et artistes de son temps, de Gide à Fellini, ont reconnu son extraordinaire talent. Que reste-t-il à faire?
Dans L’Atelier du roman nous avons le plus souvent parlé de romanciers importants injustement écartés de la scène littéraire contemporaine. Rarement avons-nous consacré nos pages à des romanciers célèbres dont les œuvres continuent à être éditées et rééditées. Le risque avec ces derniers n’est pas l’oubli mais l’enfermement de leurs œuvres dans les clichés et les lectures datées. Est-ce le cas pour Simenon? On ne le sait pas. Nous posons la question.
Pourquoi, de nos jours, l’homme se soumet-il si facilement aux nouvelles technologies? À cause de sa «honte prométhéenne», répond le philosophe (Günther Anders). Mais peut-être y a-t-il une toute autre raison, selon Alphonse Cugier, qui commente ici un roman de Philippe Raymond-Thimonga.
Nous parlons de nouveau de John Cowper Powys (Florence Marie) à qui nous avons consacré le 107e numéro (décembre 2021). Nous y reviendrons. Powys, plus probablement que tout autre grand romancier du xxe siècle, a senti ce que signifiait pour l’être humain le règne de la Machine.
Infinis remerciements à Francesco Forlani qui a enrichi nos pages sur Simenon avec l’article d’Alberto Savinio.
L’intelligence artificielle… On dit qu’on peut écrire des romans avec. Mais pourquoi en rajouter de nouveaux au détriment du temps pour observer les oiseaux (Yves Lepesqueur), pour lire Hésiode (Marion Messina), pour collectionner des définitions de l’art du roman (Denis Wetterwald) ou, encore, pour lire et commenter une romancière qui mériterait d’être plus connue (Boniface Mongo-Mboussa)?
Ce qui m’étonne le plus, c’est que les romans de Simenon soient au moins aussi lus dans les autres langues qu’ils le sont en français; il existe même des pays où ils touchent un public beaucoup plus étendu que dans le nôtre. Et pas plus les Américains que les Japonais, les Russes ou les Abyssins ne se sentent dépaysés dans ce monde romanesque où les êtres et les lieux sont pourtant, semble-t-il, très caractérisés, très particularisés.
Marcel Aymé, préface au Chien jaune, 1963.
«Au moment où Kafka attire plus d’attention que Joseph K., le processus de la mort posthume de Kafka est amorcé», écrivait Kundera dans L’Art du roman (1986). Au moins retardons cette mort autant que possible. D’où ce retour à Joseph K. (Raphaël Arteau McNeil).
La kunderologie est déjà en train de faire ses premiers pas. Malgré la volonté clairement affichée et les efforts de Kundera durant toute sa vie pour disparaître derrière son œuvre. Lenka Hornakova-Civade réfléchit sur le sens profond de cette «disparition».
Il y a de grands romanciers qui ont connu le succès dès le début de leur carrière. D’autres, comme Bernard Malamud, qui l’ont attendu en vain jusqu’à leur mort (Jérôme Couillerot).
Infinis remerciements aussi à François Taillandier pour la note contrapuntique qu’il apporte au thème principal.
La notion de peuple fait souvent penser à une multitude de gens qui partagent grosso modo les mêmes caractéristiques. Pour Simenon, le peuple est le plus fertile et quasi inépuisable terreau des singularités. S’il est lu et admiré par tant de nos écrivains aujourd’hui, il est probable que ce soit principalement pour cette raison.
Un grand merci à tous les participants.
L. P.