L'Atelier du Roman n° 101
LE CORPS EST-IL LE NOYAU OU LA FRONTIÈRE DE NOTRE LIBERTÉ ?
Quoique la 6e Rencontre de Thélème a eu lieu en octobre 2019, on dirait que son sujet, « Le corps est-il le noyau ou la frontière de notre liberté ? » a été inventé en résonance avec les récentes restrictions de nos libertés décidées pour faire face au danger du Covid-19. Placés devant le dilemme, la santé ou la liberté, le choix est évident. Or, tout le problème est de réfléchir sur la question de la liberté avant que ce soit trop tard, c’est-à-dire avant qu’on nous enferme dans de pareils dilemmes. D’où, à notre sens, l’importance de ce numéro, dont tous les articles convergent vers le même constat : quoi qu’on fasse, on n’apprivoisera jamais le corps humain.
Dans le reste de la matière – illustrée comme d’habitude par Sempé –, on trouvera des écrits déclinant le sujet principal sur d’autres registres, ainsi que des articles critiques et des réflexions qui prouvent que, pour L’Atelier du roman, liberté n’est pas un mot creux.
Sommaire
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SOMMAIRE
L'Atelier du Roman n° 101
LE CORPS EST-IL LE NOYAU OU LA FRONTIÈRE DE NOTRE LIBERTÉ ?
SOMMAIRE
Ouverture
Simonetta Greggio, À qui est mon corps ?
Philippe Garnier, L’insoutenable liberté de dormir
Laurence Tardieu, Venir au monde
Lakis Proguidis, Le corps de quelle civilisation ?
Gwenaëlle Aubry, Signer le corps
Philippe Renonçay, Bientôt nous serons morts
Yann Kerninon, Les corps déracinés
Carlotta Clerici, Mon corps et moi
Adrian Mihalache, Le corps : comment s’en débarrasser ?
Patrice Jean, Rimbaud contre Steve Austin
Béatrice Commengé, « Ma petite île cernée d’os »
À la une : Olivier Maulin
Critiques
Alain Callais-Messaoudi, Misère d’une fille sans parole – À propos d’Après la chute, d’Olivier Rey
Yves Lepesqueur, Sur les pistes oubliées du roman colonial
Steven Sampson, Tournier, mon ami – Tournier parti, de Serge Koster
Lakis Proguidis, Un cénotaphe pour Aude – Si je t’oublie, de Morgan Sportès
À la une : Trevor Cribben Merrill
Les cahiers de l’atelier
Yves Baudon, Le dernier tour
Joël Roussiez, Manière de faire de ce qui se chante encore
À la une : Théo Ananissoh
De près et de loin
Mathieu Dayras, Fellini, Kundera et l’université en ruine
Maja Brick, Les anges et les diables
Au fil des lectures
Isabelle Daunais, Un nom pour la postéritéLe thème de la VIIe Rencontre de Thélème
Ouverture
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OUVERTURE
L'Atelier du Roman n° 101
LE CORPS EST-IL LE NOYAU OU LA FRONTIÈRE DE NOTRE LIBERTÉ ?
Le hasard, qui est peut-être l’autre nom du romanesque, a voulu que ce numéro, prévu comme d’habitude pour le mois de mars, paraisse maintenant, à savoir au moment où réfléchir sur les rapports du corps à la liberté est hors question, pour ne pas dire que cela sonne incongru.
En 2014 L’Atelier du roman a inauguré ses Rencontres de Thélème. Thème permanent : la liberté. Chaque année nous scrutons le même mot. Le même mot mais différemment. Car chaque fois c’est un autre écrivain qui introduit le sujet. En 2014: «Mot de passe : Thélème!» (François Taillandier). 2015: «Quelles règles pour quel jeu?» (Jean-Yves Masson). 2016: «Liberté, quel intérêt?» (Pia Petersen). 2017: «Une liberté impertinente» (Denis Grozdanovitch). 2018: «L’identité contre la liberté» (Belinda Cannone). L’année dernière la Rencontre a été introduite par Simonetta Greggio: «Le corps est-il le noyau ou la frontière de notre liberté?»
Grâce à Isabelle Daunais, Rosie Carpe est de retour. Rosie Carpe est l’héroïne du roman éponyme de Marie NDiaye, auquel a été consacré le 35e numéro de L’Atelier du roman (septembre 2003).
L’abbaye de Seuilly, le lieu où ont lieu nos Rencontres de Thélème, se trouve à huit cent mètres de la Devinière. C’est là, dit-on, qu’a vu le jour celui qui a démontré, avec des arguments irréfutables, que la Nature est toujours clémente envers ceux qui boivent et s’amusent en joyeuse compagnie.
L’économie progressionnelle fait disparaître les travaux en commun et les distractions de la vie sociale pour installer ses infrastructures à la place et propose ensuite aux individus des appareils pour rompre leur solitude sans avoir à sortir de chez eux. Toutes les facultés merveilleuses qu’on prête aux ordinateurs et à leur réseau interactif ont ainsi été prises aux hommes et à leurs unions sociales, leur ont été soustraites et maintenant retirez-leur ces machines et par eux-mêmes ils ne sont rien ; ce qui fait la raison de leur attachement à celles-ci et au monde qui les fournit : et quand l’ordinateur multimédia s’offre à réunir quelques-unes des facultés qui lui ont été volées, l’habitant moderne y voit une chance de se développer librement : le voici enfin réuni en une seule machine.
Baudouin de Bodinat, La Vie sur terre, 2008.
Réfléchir, c’est revenir à ce qu’on a vu et revu – Pierre Benoit (Olivier Maulin), le «roman colonial» (Yves Lepesqueur), Thomas Mann (Théo Ananissoh), Fellini et Kundera (Mathieu Dayras) – ou qu’on a failli de ne pas voir: Après la chute, d’Olivier Rey (Alain Calais-Messaoudi). Quant à ce qu’on n’a jamais vu, le verbe approprié est créer (Trevor Cribben Merrill, Yves Baudon, Joël Roussiez).
Dans un numéro où on parle beaucoup du corps, c’est tout à fait logique de parler des maladies, des souffrances et de la mort (Steven Sampson, Théo Ananissoh et celui qui signe) – sans toutefois oublier les anges (Maja Brick).
Réfléchir rime avec rire et vice versa. La preuve par Sempé.
Le verbe en vogue est «inventer». Il faut inventer un autre mode de vie, disent-ils. Trop tard. Le fait est déjà accompli. De la servitude volontaire dont parlait Étienne de La Boétie à la surveillance volontaire, cela a pris quatre cent soixante-douze ans. Dorénavant, tout ira plus vite.
«La pratique médicale est une farce jouée par trois personnages : le malade, le médecin, la maladie.» Docteur Rabelais dixit.
L. P.