L'Atelier du Roman n° 104
Désir d’ailleurs : désir de liberté ?
Le sujet de cette 7e Rencontre de Thélème avait été fixé avant le déclenchement de l’épidémie Covid-19 et les restrictions des libertés supposées nécessaires pour la combattre. C’est donc le hasard qui a fait que ce dialogue par articles interposés sur le rapport de l’«ailleurs» et la «liberté» trouve aujourd’hui sa place dans l’actualité la plus brûlante. Et c’est cette actualité qui nous a poussé à reprendre Montaigne, Descartes, Chateaubriand, Stendhal, Flaubert, Rimbaud, Loti, Segalen, Conrad et tant d’autres «voyageurs». Leur ailleurs vit toujours malgré les efforts de ce monde connecté et adorateur du Même pour les effacer. «Ailleurs» oblige, nos pages nous emmènent à Londres de l’après-guerre, à la Tahiti d’avant la guerre, à l’Algérie des années 50, à la Tchécoslovaquie occupée et à la Roumanie actuelle. Notons aussi l’«ailleurs» à chaque numéro renouvelé de nos chroniqueurs et l’«ailleurs» éternel contre tous les maux illustré par Jean-Jacques Sempé.
Sommaire
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SOMMAIRE
L'Atelier du Roman n° 104
Désir d’ailleurs : désir de liberté ?
SOMMAIRE
Ouverture
Béatrice Commengé, « Ailleurs ici partout »
Théo Ananissoh, La possibilité du vide
Steven Sampson, L’arbre en moi
Lakis Proguidis, La grand-mère et le roman
Yves Lepesqueur, Quand l’ici devient un ailleurs
Eryck de Rubercy, Le chemin de l’ailleurs est merveilleusement libre
François Taillandier, Et moi aussi, je suis allé à Harar !
Denis Grozdanovitch, L’ailleurs serait-il tout près ?
Slobodan Despot, Le retour de l’ailleurs
À la une : Olivier Maulin
Critiques
Massimo Rizzante, Un Adam dans les ruines – Sur Le Roman de Londres, de Miloš Tsernianski
Riccardo Pineri, Le mirage de l’origine – Segalen lecteur de Gauguin
Eryck de Rubercy, Fruit d’une étude mort-née sur Bouvard et Pécuchet
René de Ceccatty, L’Algérie perdue et retrouvée de Béatrice Commengé – Sur Alger, rue des Bananiers
Patrick Corneau, L’avènement d’un monde flottant – À propos de Sans Bill ni Murray, d’Alexandre Steiger
Florian Beauvallet, L’éclatante désinvolture du roman – Sur Les Lâches, de Josef Škvorecký
À la une : Boniface Mongo-Mboussa
De près et de loin
Olivier Maillart, Sous le signe du labyrinthe
Samuel Bidaud, L’art qui parle
À la une : Yves Lepesqueur
Les cahiers de l’Atelier
Denis Wetterwald, Les citrouilles de Marcel françois taillandier, L’avenir
Marian Ilea, L’« objectif touristique » de la ville de Mittelstadt
Au fil des lectures
Benoît Duteurtre, Les mots et les lieux
Le thème de la VIIIe Rencontre de Thélème Ouverture
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OUVERTURE
L'Atelier du Roman n° 104
Désir d’ailleurs : désir de liberté ?
Lorsque nous avons inauguré, il y a sept ans, ce cycle de Rencontres autour de la liberté, nous savions que nous partions dans le brouillard. Pourquoi la liberté? Quel rapport avec le roman? Est-ce un sujet littéraire? Mais quel sujet aurait pu ne pas être littéraire?
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Je tiens à remercier la Région Centre-Val de Loire, la Communauté de communes Chinon Vienne et Loire et l’association Autour de Babel. C’est grâce à leur soutien que les Rencontres de Thélème sont reconduites d’année en année.
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«Les citrouilles de Marcel» sont tirées de la Confinerie de Denis Wetterwald. La Confinerie, c’est son journal poétique en ligne, rédigé à chaque hospitalisation du pays.
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Chaque année, à l’abbaye de Seuilly, nous scrutons le même mot sous l’angle proposé par un écrivain différent. En 2014 : « Mot de passe : Thélème ! » (François Taillandier). 2015 : « Quelles règles pour quel jeu ? » (Jean-Yves Masson). 2016 : « Liberté – quel intérêt ? » (Pia Petersen). 2017 : « Une liberté impertinente » (Denis Grozdanovitch). 2018 : « L’identité contre la liberté » (Belinda Cannone). 2019 : « Le corps est-il le noyau ou la frontière de notre liberté ? » (Simonetta Greggio). Nos Rencontres ont lieu au mois d’octobre. Ici nous publions les articles que les participants ont rédigés ultérieurement.
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L’homme est un jouisseur tout autant qu’un destructeur et un créateur ; et nous arrivons à un temps où, plus que jamais auparavant, l’humanité a besoin de retomber dans la contemplation. Les plus héroïques appels lancés en l’honneur des plus nobles causes ne pourront changer l’indomptable « Moi » faustien, le vieux « Moi » homérique et biblique en un rouage à tout jamais inséré dans une machine impersonnelle.
John Cowper Powys, Autobiographie, 1934.✪
Rien n’est prémédité. L’« ailleurs » appelle l’ailleurs : la Tahiti de Segalen (Riccardo Pineri), Londres de Miloš Tsernianski (Massimo Rizzante), le Kostelec imaginaire de Josef Škvorecký (Florian Beauvallet) et la Roumanie de Marian Ilea.
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Entourés que nous sommes de tant de spécialistes, nous risquons de perdre de vue les pionniers de cette grande confrérie : Bouvard et Pécuchet (Eryck de Rubercy).
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De temps en temps nous parlons aussi des œuvres de nos collaborateurs. Ici, le dernier livre de Béatrice Commengé (René de Ceccatty) et les romans de Théo Ananissoh (Boniface Mongo-Mboussa). Et tant mieux si cela concerne deux participants à cette VIIe Rencontre : leur propos acquiert du relief.
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Yves Lepesqueur commente dans sa chronique la controverse des années cinquante entre Maxime Rodinson et Claude Lévi-Strauss sur la nature du progrès. Incontestablement, il s’agissait d’une autre époque. Les gens communiquaient entre eux par des pensées articulées et non par des news interposées. Il ne nous reste dorénavant que la contemplation que recommande Powys.
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Nous avançons dans le brouillard avec le mot de passe avancé par François Taillandier dès la première Rencontre : Thélème ! Dans cette fameuse abbaye, il n’y avait ni guide spirituel, ni maître à penser, ni grand pédagogue, ni législateur. On était libre d’y entrer. On était libre d’en sortir. Et, durant le séjour, on participait librement aux discussions, à l’apprentissage, aux plaisirs de la vie et aux jeux collectifs. Les anciens Thélémites ne dissertaient pas sur la liberté.
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En contrepoint à l’« ailleurs » des nouveaux Thélémites, il y a l’ailleurs du « flottement » dont parle Patrick Corneau à propos du roman d’Alexandre Steiger, l’ailleurs labyrinthique (Olivier Maillart), l’ailleurs du rire (merci Jean-Jacques !), l’ailleurs de l’art tout court (Samuel Bidaud), l’ailleurs, enviable plus que jamais, des libertins (Olivier Maulin) et, last but not least, l’ailleurs des brasseries englouties (Benoît Duteurtre).
L. P.