LIBERTÉ – QUELLES RÈGLES POUR QUEL JEU ?

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affiche theleme Quel meilleur apprentissage de la liberté que le jeu? Et avant même tout apprentissage, quelle meilleure preuve de notre liberté, depuis l’enfance, que cette expérience du jeu que sans doute nous avons tous faite? Ce qui est vraiment libre en nous, ce n’est peut-être pas la volonté, peut-être pas la raison, c’est d’abord et avant toute chose l’imagination, puisqu’elle se déploie bien avant que notre jugement, si souvent, la restreigne: ne pas se résoudre au monde tel qu’il est, à ce que déjà notre naissance a fait de nous, inventer des mondes, des vies possibles, jouer à être un autre que celui que nous sommes. La première fiction, pour moi – pour vous? – ce fut celle-là: s’inventer la chance de quelque autre destin, s’imaginer navigateur, chauffeur routier, explorateur, que sais-je.
Qui ne sait pourtant qu’on ne joue pas (ou pas toujours) seul? Dès lors qu’on veut être plusieurs à jouer, dès lors qu’il s’agit de donner à un lecteur quelque chance de partager la joie du jeu, il convient de se donner des règles. Peut-être même ces règles sont-elles nécessaires pour jouer avec soi, s’il est vrai que même écrire sur soi est toujours, selon Paul Ricœur, considérer «soi-même comme un autre». Et s’il est vrai aussi qu’écrire un roman n’est justement pas «un jeu d’enfant» mais un jeu auquel ne savent vraiment jouer que ceux qui y apportent tout l’acquis de leur expérience: sans quoi l’utopie maintenue d’un monde possible serait pure gratuité. Si l’on admet que le roman, et peut-être au-delà du roman tout ce qui relève de l’écriture, est avant tout libre jeu – livre-jeu? – peut-être n’est-il pas sans intérêt de confronter nos décisions, nos chemins, nos tâtonnements mais aussi nos conquêtes autour de la question de «la règle du jeu». On se souvient que Michel Leiris en fit le titre de sa grande tétralogie autobiographique: qui n’est pas un roman, mais qui vaut bien un roman, il me semble.
À Thélème, il n’y a pas de règles. Mais l’absence de règle y est encore une règle, paradoxalement, puisque les habitants de l’Abbaye sont animés d’«une louable émulation à faire tous ce que à un seul voyaient plaire».
Et la délicieuse liste des deux cents et quelque jeux, tous attestés semble-t-il, auxquels s’adonne Gargantua, prouve que Rabelais joue avec le jeu lui-même.
Jean-Yves Masson

 

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